Londres, le 20 juin 1894. Emma Calvé fait sensation sur les planches de la prestigieuse scène de Covent-Garden. La reine Victoria l’invite au château de Windsor. La prestation de cette Française de 36 ans dans La Navarraise de Massenet est aussi bien saluée par les critiques que par la Cour. La reine Victoria en personne est conquise et l’invite même à se produire au château de Windsor. Sa voix de soprano, couplé à un jeu de scène vif, fait d’elle une cantatrice captivante. Ses rôles d’amoureuse marquent des générations de mélomanes et d’amateurs d’opéras. Parfois au cours de ses récitals, elle délaisse les classiques du répertoire pour des chants traditionnels en occitan qui ont bercé son enfance.
Elle est née à Decazeville au milieu du XIXe siècle
Car Emma est Aveyronnaise. Elle voit le jour à l’été 1858 dans la petite localité de Decazeville, au cœur du bassin houiller du département, dans une maison de la rue joliment nommée Cantagrel (qui signifie « Chante grillon »). Ballotée de pension en couvent, la jeune fille chasse l’ennui en chantant. Sa voix en saisit plus d’un, à commencer par Monseigneur Bourret, l’évêque de Rodez qui déclare : « c’est la voix du bon Dieu que cette enfant a dans la gorge ».
Une ascension parisienne fulgurante
Avec un tel don, il serait dommage de ne pas devenir ambitieux et de ne pas tenter sa chance à Paris. L’ascension dans la capitale va se faire assez rapidement. De son audition avec Jules Puget, un artiste retraité de l’Opéra-Comique à son baptême scénique à La Monnaie de Bruxelles, il s’est écoulé à peine deux ans.
Sous les ovations de la Scala de Milan
Bien qu’enhardie par ses succès, la jeune cantatrice redoute l’exigent public de la Scala de Milan. En 1887, lors de la première de Flora mirabilis (« La feuille merveilleuse ») de Samaras, elle panique et lâche une fausse note. Mais Emma est fière et revient 24 mois plus tard dans la capitale lombarde, cette fois sous les ovations. Et reçoit les félicitations de son idole, la grande comédienne italienne Eleonora Duse.
En 1892, avant d’accepter le rôle de Carmen, cette insatiable méticuleuse part plusieurs mois en Espagne, afin de se documenter sur la gestuelle des gitanes. À son retour, lors de la première à l’Opéra-Comique, elle triomphe. Et impose quelques mois plus tard au directeur du Metropolitan Opera de New-York de s’habiller en bohémienne plutôt qu’en robe de soie. Elle jouera l’héroïne de Bizet plus de 3 000 fois au cours de sa carrière.
Elle invite le Tout-Paris dans son château… à Millau
Entre deux galas aux quatre coins du monde, elle aime se reposer dans son château de Cabrières, près de Millau (Aveyron), où elle organise avec ses amis du Tout-Paris, Camille Flammarion, Paul Barrès, Erik Satie et Sarah Bernhardt en tête, des séances de spiritisme. Dans la commune, elle fait valoir son expérience en fondant une école de chant et de déclamation lyrique.
La « diva des Causses » qui soutien les ouvriers
Mais la volcanique et intransigeante diva des Causses sait aussi se montrer généreuse en installant un sanatorium pour les jeunes filles défavorisées au sein de son château et en soutenant les ouvriers gantiers millavois lors de leurs grandes grèves durant les années 1930.
Mathieu Arnal