
Un ouvrier de 33 ans est décédé en mars 2016, écrasé par la vitre d’une machine au sein de l’usine Renault Cléon (Seine-Maritime). (Archives ©RT/76actu)
L’entreprise Renault Cléon (Seine-Maritime) est poursuivi devant le tribunal correctionnel de Rouen pour la mort d’un de ses salariés. Un ouvrier de 33 ans, victime d’un grave accident du travail, le 10 mars 2016, a succombé à ses blessures.
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Son buste coincé dans la machine
Ce jour-là, Guillaume, salarié de la société depuis 2010 intervient sur une machine défectueuse avec pour mission de retendre la chaîne. L’accident se produit vers 19 heures. Guillaume est découvert par un de ses collègues le buste coincé dans la machine au niveau du thorax et inconscient. Il est alors pris en charge par les secours. Cet ouvrier décédera des suites de ses blessures sept jours plus tard. C’est ce collègue qui a désactivé la machine et prévenu les secours lorsqu’il a retrouvé Guillaume inconscient.
Auditionné par les enquêteurs, le responsable de la sécurité a confirmé que Guillaume était habitué à intervenir sur cet appareil et que personne n’était présent au moment de l’accident. Pourtant, selon le rapport de l’inspection du travail, la victime « ignorait les règles de sécurité et n’a suivi aucune formation sur cette machine ». Lorsqu’il s’est placé devant le capteur, le caisson de séchage est descendu automatiquement se retrouvant alors coincé au niveau du buste.
L’expertise médico-légale confirme le décès des suites d’un écrasement thoracique.
Renault invoque la faute de la victime
Face aux juges mercredi, l’ancien directeur du site déclare être « choqué », n’arrivant « pas à comprendre pourquoi il s’est mis en danger de cette façon là ». Selon lui, il s’agit d’une faute éventuelle de la victime.
« Dévisser les pièces de sécurités est formellement interdit », appuie l’ancien directeur qui a rappelé alors que Guillaume avait fait l’objet d’un rappel à l’ordre pour ne pas avoir respecté le protocole de sécurité en 2012. Mais lorsque la présidente l’interroge sur le fait que c’est la société qui fournit des clés « aux noms des salariés » permettant de dévisser les sécurités des machines, l’ancien directeur du site peine à répondre et s’embarque dans des explications très complexes et conclue ainsi : « La pratique ne se fait plus actuellement. »
« Des manquements graves qui ont contribué au drame »
Pour Me Karim Berbra, avocat de la famille du défunt, le dossier est très clair : « On nous dit que les salariés sont en autogestion et qu’on ne sait pas à qui la victime devait rendre des comptes sur le site. » Il souligne en trois points la culpabilité et la responsabilité pénale comme civile de Renault Cléon, mais également de la SAS Renault « employeur de la victime ».
Selon lui, l’organisation de travail est défaillante sur ce site, tout comme la formation. Me Berbra a également souligné l’absence d’évaluations des risques prévues par la loi. « Ce sont ses manquements graves qui ont contribué au drame », conclut-il en réclamant la somme de 50 000 euros pour la mère de la victime et 20 000 euros pour la CGT Renault Cléon.
« Carences dans le respect des règles de sécurité »
Pour le ministère public en revanche, « seul Renault Cléon est responsable pénalement et civilement en tant qu’entreprise utilisatrice des salariés » ajoutant qu’il y a eu des carences chez Renault Cléon dans le respect des règles de sécurité. Le procureur a pointé : « 29 points de non-conformité à la loi française relevés par un organisme indépendant assermenté, 27 interventions en 11 mois sur cette machine et personne ne s’est interrogé. »
Pour le ministère public les faits reprochés sont caractérisés. Il a requis la peine de 200 000 euros d’amende et la publication de la décision à l’intérieur de l’entreprise.
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« Aucune faute commise par Renault Cléon »
Sur le banc de la défense, le conseil de Renault Cléon et SAS Renault souligne que des éléments juridiques ont été occultés et conteste fermement la responsabilité de la SAS Renault : « Les salariés travaillent selon les règles de Renault Cléon. » Pour Me Caron, « à aucun moment, il n’y a eu faute de la part de Renault Cléon, rien ne le démontre dans le dossier » soutenant que le salarié a été formé aux risques sur cette machine et formé par un autre salarié « en compagnonnage ». L’avocat a rappelé également que les 29 points de non-conformité soulevés par le rapport de l’inspection du travail « n’a absolument pas de lien de causalité avec le décès de ce salarié ».
Me Caron a plaidé la relaxe et demandé l’irrecevabilité des constitutions de parties civiles de la famille et de la CGT Renault Cléon. La famille, en raison du fait que celle-ci a formulé la même demande indemnitaire auprès du tribunal des affaires de la sécurité sociale en octobre 2017. La CGT, en raison du fait que rien ne permet d’établir que ce syndicat a un mandat pour agir dans le cadre de cette affaire.
Le tribunal a mis sa décision en délibéré et se prononcera le 29 mai 2019.