La réunion publique du grand débat national a été relativement bien suivie, mardi soir, à la salle des fêtes de Verneuil-sur-Avre. Près d’une centaine de personnes était présente, dont une bonne partie de Gilets jaunes du sud de l’Eure, revêtus ou pas de leur vêtement emblématique.
Après le mot d’accueil d’Yves-Marie Rivemale, maire, – qui n’est d’ailleurs jamais intervenu dans la soirée – Séverine Gipson, députée, puis Christophe Baïsse, l’animateur neutre proposé par la préfecture, ont tour à tour expliqué que chacun pouvait s’exprimer librement dans ce débat ouvert à tous, sans tabou, avec, comme règle du jeu, « s’écouter et se respecter les uns et les autres ».
Pas de tables rondes
Souhaité par la Ville et la députée, le principe des tables rondes thématiques n’a finalement pas été retenu selon la volonté des Gilets jaunes partisans, depuis le début, d’une assemblée plénière. « Nous avons préféré ce principe d’un amphithéâtre pour que les citoyens, privés de parole entre deux élections et méprisés par ce pouvoir, puissent dire leur avis », avançait Corinne Job, une des trois représentants du mouvement local qui avait sa table face au public. Avec Christophe Baïsse, ils étaient donc quatre animateurs du débat vernolien, un « neutre » et trois « engagés ».
À cela s’ajoutait une femme, également Gilet jaune, notant sur un grand tableau les propositions de la salle.
Un peu brouillon
S’en est suivi le débat qui a duré près de deux heures et demie sur les thèmes les plus divers, au point, par moments, d’être un peu brouillon et répétitif. Et en partie monopolisé par les Gilets jaunes, il faut bien l’admettre.
Quelques thèmes ont été plus débattus que d’autres. Par exemple la lutte contre les déserts médicaux milieu rural. Pour attirer des généralistes ou spécialistes, une Vernolienne a proposé la mise en place d’une période obligatoire pour les futurs médecins là où sont les besoins, « un stage de six mois par exemple qui rentrerait dans leur cadre de leur internat rémunéré ».
Concours plus ouvert
Jean-Marc Hembert, un des trois coordinateurs locaux des Gilets, a proposé, lui, d’accélérer l’ouverture du numerus clausus, le fameux concours limitant le passage en 2e année de médecine, de telle sorte d’élargir le vivier existant de médecins.
Conseiller départemental, Michel François est intervenu à son tour en signalant qu’il existe des dispositifs d’État attractifs pour assurer la rémunération durant deux ans de jeunes médecins s’installant en zone reconnue prioritaire.
Rentable, il ferme…
Un tout autre domaine a fait débat, l’histoire d’un couple d’entrepreneurs franchisés de la région obligé de fermer son magasin sur décision de l’actionnaire basé en Belgique, parce que ne rapportant pas assez d’argent à ses yeux, alors que l’activité de vente était tout de même rentable. D’où la proposition de certains d’imposer un peu plus de régulation au marché et de contrôle sur le choix des actionnaires « qui veulent toujours plus de retour sur investissement ».
Tensions
Le débat s’est toutefois tendu vers 19 h 00 quand plusieurs Gilets jaunes, se définissant comme « la France colère », se sont successivement adressés aux élus, notamment à la députée, pour leur rappeler qu’ils ne manifestaient pas dans la rue depuis plus de trois mois « pour s’amuser et faire joli », mais pour dénoncer leur pouvoir d’achat en berne et leur difficulté à boucler les fins de mois.
« Savez-vous que le prix de l’essence est remonté comme avant le 17 novembre, le début de notre mouvement ? », renchérissait un Gilet. « Et la prime d’activité, ce n’est pas pour tout le monde », rajoutait une mère de famille. « Avec une retraite à 685 €, on fait comment ? », poursuivait un homme.
Devant ce moment de tension, Michel François a repris la parole pour rappeler « qu’on était là pour s’écouter et non se faire agresser ». Un autre Gilet, lui a alors demandé le micro pour calmer le jeu, avant d’expliquer que si ce mouvement social a surgi, c’est « parce que ça va très très mal en France et si ça n’évolue pas, ça va péter ! ».
« La guerre ou quoi ? »
Le débat a repris… avant que les Gilets – visiblement un peu énervés de voir à un moment donné la députée pianoter sur son portable – n’interpellent à nouveau les élus de manière plus véhémente. « Mais est-ce que vous nous avez bien entendus et compris ? Vous faites quoi depuis trois mois qu’on manifeste ? Vous cherchez la guerre ? C’est à vous d’apporter des réponses et des solutions à la crise, pas à nous ! ». Une manière de contester l’intérêt du grand débat national.
Le maire d’une petite commune réagissait pour justifier l’intérêt de ce débat en affirmant qu’il devra apporter des réponses « sinon, le mouvement social repartira de plus belle ! ».