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ENTRETIEN. Au Havre, le dramaturge Jean-Michel Rabeux revisite Marivaux sur la scène du Volcan

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Jean-Michel Rabeux présente « La double inconstance (ou presque) », au Volcan, au Havre, les 27 et 28 février 2019.

Jean-Michel Rabeux présente « La double inconstance (ou presque) », au Volcan, au Havre, les 27 et 28 février 2019. (©Ronan Thenadey.)

Marivaux, un auteur contemporain ? Bien que classé dans les auteurs classiques du XVIIIe siècle, l’écrivain continue de nous parler, tant ses sujets demeurent d’actualité. Chez Marivaux, il est question de politique, de classes sociales, d’amour et d’infidélité. 

Jean-Michel Rabeux dépoussière La double inconstance et revisite le texte pour en livrer une lecture personnelle et actuelle. La double inconstance (ou presque) est à découvrir les 27 et 28 février 2019, sur la scène du Volcan, au Havre (Seine-Maritime). Entretien avec le metteur en scène.

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De la cruauté des hommes

76actu : En 1982, vous aviez déjà mis en scène La Fausse suivante de Marivaux. Qu’aimez-vous chez cet auteur ?

Jean-Michel Rabeux : Dans les pièces de théâtre de Marivaux, ce sont des questions profondes qui sont posées sur le genre, la liberté. Ses considérations sur les grands et les petits résonnent comme si c’était hier. Concernant La double inconsistance, j’ai été frappé par sa modernité car j’ai commencé à travailler sur le texte quand a éclaté l’affaire « Me too ». Or, le texte de Marivaux parle de la cruauté des hommes sur les femmes, de la domination des petits.

Dans La double inconstance, il est en effet beaucoup question de pouvoir, de domination masculine.

Le Prince enlève Sylvia pour la marier, pour imposer son pouvoir. Marivaux est violent à l’égard des hommes qui abusent des femmes et il dénonce avec grande cruauté ces dominations, tout en donnant leur chance aux deux côtés. La stratégie est amenée en douceur, permettant d’exposer les différents enjeux de la situation.

VIDÉO. Présentation de La double inconstance (ou presque) :

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Les tourments de l’âme humaine

Marivaux met à bas les conventions sociales, questionne aussi le désir et l’érotisme, derrière le marivaudage.

Les textes de Marivaux sont beaux parce que complexes. Les abuseurs ne sont pas de simples monstres avec des crocs. Ils abusent d’autrui par richesse et pouvoir. Mais le but final est la destruction : ce qui me plaît, c’est que Sylvia cède.

Vous appréciez la complexité de Marivaux et sa capacité à mettre en scène les tourments de l’âme humaine.

Ce qui est beau, dans La double inconstance, c’est que le prince aussi souffre. C’est que là que Marivaux est un grand auteur, profond car pas simplificateur. 

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Une pièce politique et contemporaine

La pièce est éminemment politique.

C’est un mixte entre désir et politique. L’amour et l’érotisme s’entremêlent dans l’intrigue. Le texte a à voir avec Les liaisons dangereuses.  On parle d’une époque extrêmement abusive, où les petits et les femmes n’avaient droit à rien. Malgré ce contexte lourd, ce que j’aime chez Marivaux, c’est que légèreté et humour traversent la pièce.

Marivaux était, à la fois, novateur et réactionnaire. Par exemple, il ironise beaucoup sur les « coquettes » et les femmes.

Un texte classique dépoussiéré

Vous dépoussiérez la langue du XVIIIe siècle. Vous revisitez la pièce.

J’adore la langue de Marivaux, mais j’ai procédé à quelques coupes car le texte comporte des arlequinades qui ne font plus rire personne et enlèvent le poids humain. J’ai choisi de conserver les scènes de comédie, tout en les actualisant. La langue de Marivaux comporte beaucoup de mots, mais c’est beau.

Tout en gardant la préciosité du texte, je suis rentré dans la langue de Marivaux et les modifications apportées sont faites pour faciliter la compréhension de tous.

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L’infidélité ou l’amour trahi

Il est beaucoup question de sentiments chez Marivaux : l’amour est un sujet atemporel.

Les gens souffrent encore beaucoup pour des raisons amoureuses. On continue de philosopher sur le verbe « aimer » et, depuis Marivaux, on peut constater qu’il n’y a pas d’amélioration sur l’ordre du sentiment. Marivaux pose la question de la fidélité. Les adolescents, quand ils viennent voir la pièce, sont désespérés par la situation et l’infidélité des protagonistes. 

Cela questionne encore : l’infidélité attriste et fait rire, parfois.

Le travestissement ou la question du genre

Vous optez pour une mise en scène résolument contemporaine et posez la question du travestissement, donc du genre.

Les jeunes gens sont travestis à la cour et la question du genre traverse la pièce. Je suis ravi de faire revivre ces questions qui réjouissent, inquiètent et effraient tout autant maintenant.

Marivaux finit sur un happy end. Mais vous choisissez une toute autre option.

Sans dévoiler plus particulièrement la chute, j’ai choisi de ne pas finir sur un happy end. Ma lecture contemporaine de la pièce souligne combien le pouvoir corrompt. Je m’émancipe de la lecture de Marivaux et choisis une toute autre fin. Il faut voir la pièce pour connaître mon issue…

Infos pratiques :
Mercredi 27 et jeudi 28 février 2019, au Volcan, espace Oscar-Niemeyer, au Havre.
Réservations au 02 35 19 10 20 ou en ligne, ici.
Tarifs : de 5 à 24 euros.


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