
Sur le banc des avocats des parties civiles, de g. à d. Me Jean-Marc Florand pour Jean-Michel Costes, Me Anne Bouillon pour la Fédération nationale de Solidarités Femmes, Me Tidiani Guindo pour Ibrahima Bamia sœur de la victime, Me Sonia Hadot Maison et Me Christian Calonne pour l’UDAF du Lot administrateur du Ad Hoc.
L’audience a repris peu après 9 h en ce jeudi 17 janvier avec le témoignage de Mme D. employée à l’hôpital d’Aurillac, une amie de Djeneba Bamia, la victime.
« Il n’arrêtait pas de lui crier dessus… »
« J’ai très vite senti que Djeneba était sous la coupe de Jean-Paul Gouzou ; il n’arrêtait pas de lui crier dessus ; ça m’a choquée ! Elle m’a dit qu’elle voulait aller au Mali, où elle n’était pas retournée depuis 9 ans, pour présenter ses enfants à sa famille. Lors de nos rencontres, je n’ai jamais vu M. Gouzou câliner ses enfants, en bas âge ! » Maître Edouard Martial avocat de la défense observe que ce témoignage ne repose que sur trois rencontres avec le couple et s’étonne du manque de précisions.
Vient ensuite la déposition du Dr Jean-Marc Blandin, expert psychiatre. Sa rencontre avec l’accusé s’est déroulée 5 mois après les faits, soit le 3 mars 2017. Jean-Paul Gouzou, dit avoir renoncé à son épouse. En revanche, il ne supportait pas que celle avec qui il n’était pas encore divorcé, se rende au Mali avec les enfants. « On sent chez lui un souci de contrôle et de maîtrise des situations ! » souligne le Dr Blandin. L’accusé légitime son passage à l’acte par rapport aux risques encourus, selon lui, par les enfants, au regard de l’insécurité dans ce pays et aux pratiques de l’excision. Selon maître Christian Calonne, Jean-Paul Couzou subissait une double frustration : d’une part, voir partir ses enfants et sa femme avec son nouveau compagnon, et d’autre part, ne pas avoir obtenu gain de cause à l’issue de ses multiples démarches visant à empêcher les enfants de quitter le territoire national. Le Dr Blandin précise que l’argument de fond de l’accusé, qu’il soit authentique ou pas, tourne autour des enfants. À présent, M. Gouzou, qui aurait toutes raison d’imaginer qu’il encourt une peine de longue durée, se projette dans l’idée de « récupérer » ses enfants, à sa sortie de prison…
La justice donne le feu vert, il voit rouge !
Quant à Mme Catherine, expert psychologue, elle rencontre l’accusé 8 mois après les faits. Elle dépeint un homme au regard débonnaire, à l’aisance verbale, quelqu’un d’une intelligence supérieure à la moyenne. Selon l’accusé, une crise de jalousie de la part de sa femme, serait à l’origine de la séparation du couple, intervenue en mars 2016. En janvier 2017, il apprend que son épouse prévoit de se rendre au Mali. Il lance plusieurs procédures restées sans effet. La justice donne son feu vert et le départ est prévu pour le mardi 7 mars 2017. Il se sent acculé et cherche encore comment il peut faire capoter ce voyage. Il se rend compte que le vendredi 3 mars 2017 est le dernier jour avant la date du départ où il verra Djeneba seule. Le contexte du départ de ses enfants saurait-il expliquer à lui seul le passage à l’acte ?
Les charges s’accumulent sur l’accusé
Au nombre des témoins cités par la partie civile, celui de Vincent Labarthe ne saurait passer inaperçu, en raison précisément de ses qualités de président du Grand Figeac et vice-président de la région Occitanie. Exploitant des terres voisines de celles de l’accusé, l’élu livre un témoignage saisissant concernant un animal que Jean-Paul Gouzou aurait tué à l’aide d’un véhicule, « en passant sur sa tête à plusieurs reprises ». L’accusé dément ! Vincent Labarthe raconte également d’autres scènes avant d’expliquer qu’il avait signalé divers agissements inquiétants concernant Jean-Paul Gouzou, auprès de la préfecture. Peut-être n’a-il pas frappé à la bonne porte, observe l’avocat général.
Autre témoignage, pointant du doigt ce qui a pu être qualifié de « dysfonctionnement » dans les procédures d’alerte, celui d’Isabelle Comolli-de Monpezat. Déléguée départementale aux Droits des femmes, elle indique que les signalements qu’elle a pu recueillir et transmettre, n’ont pas permis de prendre la mesure de ce qui se tramait… Frédéric Almendros sort à nouveau de ses gonds et dénonce le procès d’intention qui a pu être porté à l’encontre de l’institution judiciaire. Et il pose la question : « Pensez-vous que si le fusil avait été retiré à Jean-Paul Gouzou, Djeneba ne serait pas morte ? »
Vendredi 18 janvier, sera prononcé le réquisitoire et dans la foulée, viendront les plaidoiries de la défense.
Peut-être que « ce bonheur-là », lui était devenu insupportable ?
Djeneba est née au Mali, à Bandiagara, il y aurait 37 ans cette année, dans la région de Mopti en « Pays dogon ». Elle fait partie d’une famille de 10 enfants. Elle exerce le métier d’agent vétérinaire au moment où elle fait connaissance avec Jean-Paul Couzou en 2007, alors qu’il intervient au Mali dans le cadre de la mise en place d’une filière interprofessionnelle bovine. Ils se marient le 28 juin 2008. Elle rayonne de bonheur et se dit ouvertement amoureuse de Jean-Paul Gouzou. Son installation à Gorses l’enchante. Le couple aura trois enfants. Djeneba suit une formation agricole en vue de devenir chef d’exploitation. Jean-Paul Couzou faisant valoir ses droits à la retraite, lui cède l’exploitation selon un montage financier complexe, qualifié de suspect par la partie civile, mais tout à fait compréhensible selon la défense. À la séparation du couple Djeneba s’installe avec les trois enfants à Latronquière et poursuit son travail sur l’exploitation. Elle est présentée comme une personne fortement investie à la ferme et elle refait sa vie avec Jean-Michel Costes, un autre agriculteur du coin. Pour autant, elle aurait essuyé de la part de Jean-Paul Gouzou diverses tracasseries et rencontré maintes difficultés quant à la mise en place de la garde avec les enfants. Les tensions se seraient accrues au fil des semaines, même s’il apparaissait que sa vie avec son nouveau compagnon lui redonnait le goût du bonheur et que l’exploitation reprenait des couleurs… Peut-être est-ce cela tout simplement, qui était devenu insupportable à l’accusé ?
JEAN-CLAUDE BONNEMÈRE